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Conseil d'Etat, 4 mai 2011, n°342640 (AFSSAPS, société européenne - banque privée de sang de cordon - création - rejet)

En l'espèce, une société européenne de banque privée de sang de cordon ombilical souhaite obtenir l'autorisation de lancer son activité en France pour un usage familial et dépose donc une demande d'autorisation en ce sens auprès du Directeur général de l'AFSSAPS. Ce dernier rejette cette demande par décision implicite du 30 mars 2010. La société dépose donc un référé auprès du Tribunal administratif de Lyon qui, par ordonnance du 6 août 2010, rejette sa demande tendant principalement à la suspension de l'exécution de la décision implicite de rejet du 30 mars 2010 du Directeur général de l'AFSSAPS au motif que le don de cellules ou d'organes dédié est interdit en France.
Le Conseil d'Etat rejette également le pourvoi de la société C. en relevant que l'activité de cette dernière ne respectait pas le principe d'anonymat et de solidarité du don en France : en effet, "il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le projet de la société C. porte sur la collecte au moment de l'accouchement, de cellules souches issues du sang placentaire et du cordon ombilical pour une utilisation future à des fins thérapeutiques, notamment au bénéfice de l'enfant né de cet accouchement ; qu'ainsi, la société requérante n'est fondée à soutenir ni que le juge des référés aurait dénaturé les pièces du dossier en estimant que ce projet reposait sur un système de don dédié de la mère à son enfant, ni qu'il aurait commis une erreur de droit en jugeant que le placenta ne pouvait, en vertu de l'article L. 1245-2 du Code de la santé publique, faire l'objet que d'un don ou, à défaut, être détruit, et que, sauf nécessité thérapeutique, un tel don ne pouvait, en vertu de l'article L. 1211-5 du même code, être anonyme ; Considérant (…) que l'activité de collecte et de conservation envisagée par la société C. a pour contrepartie le paiement d'un prix par les parents de l'enfant né lors de l'accouchement ; que, par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que le juge des référés aurait commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en estimant que le moyen tiré de ce que la décision de refus d'autorisation en litige serait entachée d'une erreur quant au rôle de la rémunération dans l'activité envisagée n'était pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité (…)".

Conseil d'État
1ère et 6ème sous-sections réunies
N° 342640   

Inédit au recueil Lebon


M. Jacques Arrighi de Casanova, président
M. Jean Lessi, rapporteur
Mme Maud Vialettes, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP DELVOLVE, DELVOLVE, avocats


Lecture du mercredi 4 mai 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 août et 7 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CRYO SAVE FRANCE, dont le siège est 97, allée Alexandre Borodine, parc technologique de Lyon Saint-Priest à Saint-Priest (69800) ; la SOCIETE CRYO SAVE FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1004188 du 6 août 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande qui tendait, d'une part, à la suspension de l'exécution de la décision implicite du 30 mars 2010 par laquelle le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a rejeté sa demande d'autorisation prévue par l'article L. 1243-2 du code de la santé publique pour exercer les activités de préparation, distribution et cession de cellules issues de sang placentaire, à visée autologue ou allogénique et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au directeur général de l'AFSSAPS de procéder à un nouvel examen de son dossier de demande, dans un délai de dix jours, sous astreinte de 20 000 euros par jour de retard ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de suspension ;

3°) de mettre à la charge de l'AFSSAPS le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 avril 2011, présentée pour la SOCIETE CRYO SAVE France ;

Vu le code civil, notamment ses articles 16-1 et 16-8 ;

Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Lessi, Auditeur,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SOCIETE CRYO SAVE FRANCE et de la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SOCIETE CRYO SAVE FRANCE et à la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1243-2 du code de la santé publique, applicable au placenta en vertu de l'article L. 1245-2 du même code : Peuvent assurer la préparation, la conservation, la distribution et la cession, à des fins thérapeutiques autologues ou allogéniques, des tissus et de leurs dérivés et des préparations de thérapie cellulaire, les établissements et les organismes autorisés à cet effet, après avis de l'Agence de la biomédecine, par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé qui s'assure du respect des dispositions du titre Ier du présent livre. / L'autorisation est accordée pour une durée de cinq ans. Elle est renouvelable. (...) ;

Considérant, en premier lieu, qu'eu égard, d'une part, à la circonstance que le nom du médecin désigné par la directrice générale de l'Agence de la biomédecine pour suivre le dossier de la demande d'autorisation présentée par la SOCIETE CRYO SAVE FRANCE ne faisait que figurer au nombre des contacts presse mentionnés dans un communiqué émis par une société savante avant que l'agence rende son avis et qui, exprimant l'opposition de cette société à une proposition de loi relative au développement futur de ce secteur d'activités, n'avait pas le même objet que cet avis et, d'autre part, au fait que les propos de ce même médecin rapportés par voie de presse évoquant l'impossibilité, pour la requérante, d'obtenir l'autorisation qu'elle demandait sont datés du même jour que l'avis de l'agence, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon n'a pas dénaturé les pièces du dossier en ne retenant pas comme étant de nature à créer un doute sérieux, quant à la légalité de la décision de refus d'autorisation rendue par le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) au vu de cet avis, le moyen tiré de ce que cette décision a été prise en méconnaissance du principe d'impartialité ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1245-2 du code de la santé publique : Les tissus, les cellules et les produits du corps humain, prélevés à l'occasion d'une intervention chirurgicale pratiquée dans l'intérêt de la personne opérée, ainsi que le placenta peuvent être utilisés à des fins thérapeutiques ou scientifiques, sauf opposition exprimée par elle après qu'elle a été informée des finalités de cette utilisation. / (...) Les tissus, les cellules, les produits du corps humain et le placenta ainsi prélevés sont soumis aux dispositions du titre Ier, à l'exception du premier alinéa de l'article L. 1211-2, et à celles du chapitre III du présent titre ; que, par suite, tant le placenta que les cellules qui en sont extraites relèvent des dispositions des articles L. 1211-1 et L. 1211-5 du code de la santé publique qui prévoient respectivement que les activités afférentes aux éléments et produits du corps humain doivent poursuivre une fin médicale ou scientifique, ou être menées dans le cadre de procédures judiciaires conformément aux dispositions applicables à celles-ci et que, en dehors des cas de nécessité thérapeutique, le don est anonyme ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le projet de la SOCIETE CRYO SAVE FRANCE porte sur la collecte au moment de l'accouchement, puis la conservation, de cellules souches issues du sang placentaire et du cordon ombilical pour une utilisation future à des fins thérapeutiques, notamment au bénéfice de l'enfant né de cet accouchement ; qu'ainsi, la société requérante n'est fondée à soutenir ni que le juge des référés aurait dénaturé les pièces du dossier en estimant que ce projet reposait sur un système de don dédié de la mère à son enfant, ni qu'il aurait commis une erreur de droit en jugeant que le placenta ne pouvait, en vertu de l'article L. 1245-2 du code de la santé publique, faire l'objet que d'un don ou, à défaut, être détruit, et que, sauf nécessité thérapeutique, un tel don ne pouvait, en vertu de l'article L. 1211-5 du même code, qu'être anonyme ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que l'activité de collecte et de conservation envisagée par la SOCIETE CRYO SAVE FRANCE a pour contrepartie le paiement d'un prix par les parents de l'enfant né lors de l'accouchement ; que, par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que le juge des référés aurait commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en estimant que le moyen tiré de ce que la décision de refus d'autorisation en litige serait entachée d'une erreur quant au rôle de la rémunération dans l'activité envisagée n'était pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte des termes de la lettre du directeur général de l'AFSSAPS du 3 mai 2010 exposant les motifs de la décision en litige que celui-ci s'est fondé sur des motifs de droit pour refuser l'autorisation demandée par la SOCIETE CRYO SAVE FRANCE ; que, par suite, la société n'est pas non plus fondée à soutenir que le juge des référés aurait commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en estimant que le moyen tiré de ce que la décision de refus d'autorisation en litige est fondée sur des motifs d'opportunité n'était pas de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE CRYO SAVE FRANCE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la SOCIETE CRYO SAVE FRANCE le versement à l'AFSSAPS de la somme de 3 000 euros ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la requérante à ce même titre ;

D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SOCIETE CRYO SAVE FRANCE est rejeté.
Article 2 : La SOCIETE CRYO SAVE FRANCE versera à l'AFSSAPS une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CRYO SAVE FRANCE et à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
Copie en sera adressée pour information au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.